L’abricot
Entre conte et légende…
Pour écrire l’abricot, il faut être né sur ce petit coin de terre du Valais central qu’est Saxon, où à défaut, il faut y avoir vécu assez longtemps pour avoir pu goûter à son climat, à sa chaleur et à ses habitants.
Saxon, cité étonnante gorgée d’eau, de vent et de soleil. Le climat, nous dit-on, y est semblable à la Provence, la mer en moins. La terre y est généreuse pour peu qu’on sache la respecter, les fruits y sont dorés pour peu qu’on les laisse mûrir, les habitants y sont vifs de caractère, parfois prompts à la révolte. Au siècle dernier, alors que cette terre n’était qu’un marécage, un homme venu d’Italie y a bâti un empire. Quelques années plus tard, un fruit d’or y est devenu prince. Ainsi se résume, entre conte et légende, l’histoire de Saxon.
Souvent la petite histoire d’une terre se mêle à l’aboutissement d’un destin. La rencontre de l’abricot et de la terre du Valais central, c’est avant tout la rencontre de destinées. Celle d’un fruit, né à l’autre bout du monde, ramené d’Arménie par les Romains au 1er siècle de notre ère, rencontré tour à tour au fil des époques, en Sicile, en Espagne, en France, en Chine, en Algérie, au Népal.
Celle d’une terre, le Valais central situé entre Martigny et Riddes, qui au XIXème siècle n’était qu’un marécage insalubre, balayé par le vent et peuplé de grenouilles, de moustiques et de créatures de légendes terrifiant les voyageurs. Celle d’une population enfin, qui se cherchait une activité et une place dans le paysage valaisan que l’assainissement du Rhône était en train de remodeler.
Entre 1860 et 1877, la petite bourgade de Saxon-les-Bains prise dans l’aventure de Joseph Fama et de son célèbre Casino s’était rêvée capitale de l’Europe frivole. Elle avait vu défiler des hôtes de prestige, elle avait découvert les bonheurs et les maux que peuvent provoquer l’argent, l’orgie de richesses y avait côtoyé la misère en attente de révolte. La fermeture du Casino au 1er janvier 1878 laisse une population interrogative face à son avenir, un choix à faire, celui de redevenir une commune rurale.
Joseph Fama parti, il faut à ce monde une nouvelle légende, une autre célébrité. Après avoir érigé un homme en maître tout puissant, on fera d’un fruit le prince à vénérer. De capitale du jeu, Saxon deviendra capitale de l’abricot et autres fruits afin d’alimenter sa conserverie dont les délicieux produits furent appréciés dans le monde entier et reçurent au cours des premières années du XXème siècle de nombreux prix.
L’épopée d’Albano Fama – fils de Joseph- et de sa conserverie, la DOXA ( Traduction grecque de « Fama» qui signifie la « renommée») est entrée dans la légende de la vallée du Rhône, au même titre que le Casino de Saxon.
Entre 1886 et 1927, la presse et les gourmands amateurs de confiseries ne tariront pas d’éloges sur leurs produits dont les recettes demeurèrent jalousement conservées. Ainsi s’était construite la destinée abricotière de Saxon, elle allait se poursuivre au fil du XXème siècle